Suite de l'interview...
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre métier, sur votre carrière et aussi sur l'évolution de la B.D. au fil du temps ?
Hermann : Ecoutez, je trouve que depuis que j'ai commencé, il y a eu une évolution prodigieuse, il y a eu l'avènement d'une B.D. plus ouverte, débarrassée de ses tabous. À l'époque, au début, quand je dessinais, certaines libertés étaient assez mal venues. Ça ne m'a pas fait souffrir dans la mesure où, à cette époque là, je n'étais pas très conscient du fait qu'il fallait se libérer. J'étais content de dessiner des histoires un peu simples, des espèces de bandes dessinées adolescentes, ça me suffisait amplement. Je ne ruais pas dans les brancards parce que je n'étais pas arrivé au stade à partir duquel on commence à ruer. Vous savez, au début d'un métier on ne peut pas faire ça. Il faut d'abord acquérir le métier et c'est après, lorsqu'on a l'esprit assez libre pour que le simple phénomène technique ne nous fasse pas paniquer comme avant, que l'on peut commencer vraiment à réfléchir au contenu, au fond et pas seulement à la forme. D'autant plus que la bande dessinée française était faible à cette époque, avant que le mouvement parisien ne vienne et casse la baraque. C'est une très bonne chose, car la bande dessinée est devenue beaucoup plus intéressante, même si évidemment la bande dessinée conne a continué à exister (ne me demandez pas de noms, je vous en prie !). Dans la grande époque de la B.D. les gros succès, les choses énormes, étaient pratiquement tous de haute qualité. Actuellement, les gros succès ne sont hélas pas obligatoirement les plus intéressants. Le public a créé un nivellement par le bas. Je ne sais pas à quoi c'est dû. Il y a à notre époque beaucoup plus de produits fabriqués que de produits sincèrement conçus par des auteurs, comme ça se passait auparavant. Ça, j'en suis intimement convaincu.
|
![]() |