interview bd


Suite de l'interview...

Aujourd'hui, certains auteurs utilisent le Net parfois pour des créations à part entière ou pour se servir de cet outil pour leur promotion. D'un autre côté, il y a des auteurs qui restent dans la bande dessinée classique mais qui intègrent le Net dans leurs aventures. Est-ce que l'Internet est l'avenir de la B.D. ou est-ce la B.D. l'avenir de l'Internet ?
B. P. : Non, je ne crois pas que l'Internet soit l'avenir de la bande dessinée, ni la bande dessinée l'avenir de... je crois que ce sont des rencontres, des échanges. Je crois qu'il y a un dialogue qui s'est établi entre le cinéma et la bande dessinée de toutes sortes de façons. Regardez le nombre de personnages de la bande dessinée que l'on retrouve à un moment dans une salle de cinéma. La télévision elle aussi a une influence et crée une série d'échanges. Avec la Toile c'est le cas également. Ce n'est pas du tout pour que les deux fusionnent, c'est uniquement pour que les images se libèrent, se décoincent. Sans quoi la bande dessinée reste un peu prisonnière d'une grammaire classique. Il y a des gens qui ont l'impression que Franquin et Hergé ont tout inventé et que maintenant il ne reste plus qu'à continuer sur cette lignée. Moi je crois que la bande dessinée dans son langage même est à l'écoute du monde et par exemple un auteur qui fait sa mise en couleurs sur l'ordinateur, hé bien il fait d'autres choses ! C'est ni mieux ni moins bien, c'est autre chose. Ça l'amène peut-être à développer d'autres possibilités. Et pour les auteurs aussi : ils sont confrontés à la jeune génération pour laquelle les jeux vidéo, l'ordinateur et l'Internet sont des évidences. L'auteur doit intègrer ça, parce que s'il ne l'intègre pas, à un moment il va faire un art vieux, un art destiné à des auteurs nostalgiques qui veulent retrouver la bande dessinée de leur enfance. Ce qui ne me semble pas être quand même un avenir très excitant pour ce que l'on a appelé parfois le neuvième art.

Vous avez travaillé avec "les Cités Obscures" sur le thème de la construction et de l'architecture, notamment avec des formats d'albums peu conventionnels parfois, pour repousser certaines dimensions auxquelles on était habitués dans le domaine de la bande dessinée. Donc justement, dans la transposition sur le Net quelles pourraient être les limites de la création ?

vampire

Des petits cubes,
toujours des p'tits cubes...

B. P. : Les limites, c'est qu'on peut mettre en place une sorte de labyrinthe changeant où le lecteur trace son propre chemin. Si on prend l'image des "Cités Obscures" comme exploration d'un monde, il est évident qu'il y a énormément de choses possibles, d'autant que nous y avons intégré une série de fonctions aléatoires, donc même si vous voulez retrouver votre chemin, vous êtes un peu perdus. Il y a des gens que ça désarçonne, d'autres qui aiment beaucoup ça. Par exemple on voit à un moment l'image du cube d'Urbicande qui tourne. En fait cette image se succède dans un rythme qui est dominé par de l'aléatoire. Donc, vous ne pouvez pas dire "Je vais cliquer deux fois dessus et je vais tomber sur les villes ou trois fois et je vais tomber sur les personnages". C'est autre chose. Puis, le site évolue et les sites autour du site évoluent. Donc tout ça crée un paysage complètement mobile, alors qu'un livre, fatalement, si vous le sortez de votre bibliothèque, vous pouvez découvrir un détail que vous n'aviez pas vu la première fois, mais enfin le livre lui-même est fixe et on fait en sorte qu'il soit le plus abouti possible dans cette fixité.

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