interview bd


Suite de l'interview...

Vous avez publié un livre qui s'intitule "L'aventure des images : de la bande dessinée au multimédia", alors justement, quelle est cette transposition des médias ?
B. P. : "L'aventure des images" est un livre dont le propos était de réfléchir sur la transformation des images et des médias puisque nous-mêmes avons été mélés à tout cela. Au début nous étions des auteurs de bande dessinée au sens classique du terme, et puis à travers la scénographie, les expositions-spectacles, le récit-photo pour moi, le cinéma puisque j'ai fait un film aussi et puis le multimédia, on avait approché ces mutations. Nous avions parfois l'impression que les auteurs de BD étaient un peu conservateurs, un peu peureux par rapport à ces nouveaux modes d'expression. Par contre, il y a des auteurs qui ont été à fond dans le multimédia, beaucoup plus loin que nous. Sokal qui est le plus remarquable de tous a fait un jeu vidéo, "La Mer Jaune" qui est une vraie re-création. Il s'y est totalement impliqué corps et âme, apprenant réellement les logiciels de programmation, réinventant un style de dessin, réinventant une histoire. Nous, nous sommes allés moins loin, mais nous avons le sentiment que dans cette confrontation de médias, de rencontres entre techniques, il y a des choses à inventer. Alors, je pense qu'il y a pas mal de sites "sur" la bande dessinée sur le réseau, mais pas énormément de sites de créateurs. Il existe plus de sites d'information, avec des biographies, des références, des forums, etc. Et pas encore énormément de sites créés pour le Net, et là justement, je pense qu'il y a des possibilités. Mais ce n'est pas de la bande dessinée au sens créatif, c'est un autre regard sur la bande dessinée.

Donc, pour vous que manquerait-il justement à la bande dessinée sur le support de l'Internet ?
B. P. : Ce n'est pas tellement ce qui lui manque, c'est ce qu'il lui faut pour être intéressante. Je ne suis pas fana du CD-Rom par exemple, je trouve que le CD-Rom fige quelque chose. L'intérêt du Net, c'est son évolution, ce que j'aime c'est qu'il bouge très souvent, qu'il est actualisé, qu'il y a de l'éphémère en lui, et puis du dialogue. L'interactivité du CD-Rom c'est parfois de savoir si on ouvre la porte de gauche ou la porte de droite. L'intéractivité du Net, c'est tout à fait autre chose, c'est que sur la Toile (je préfère d'ailleurs le mot "Toile" au mot "Net") on choisit son orientation à l'intérieur d'un paysage qui change vraiment. Donc, c'est comme une ville qui se transformerait, où il y aurait de nouveaux magasins, de nouveaux restaurants, des gens qui sont là, des gens qui ne sont pas là, de nouveaux journaux dans les kiosques...
peeters - © Laurent Ryder
...une drôle de construction cubique
sur laquelle jouent des enfants.
La fièvre d'Urbicande se
manifesterait-elle dans le réel ?
Si vous refaites la même promenade, vous ne retrouverez pas les mêmes choses car le monde a changé autour de vous. Et ça, je trouve que c'est fascinant. Donc, ce que j'attends d'un créatif de bande dessinée c'est qu'il tienne compte de ces spécificités et qu'il retrouve ce qu'au fond on regrette de ne plus avoir c'est-à-dire les revues de bande dessinée avec toute leur vie, leur effervessence, le mélange de rédactionnel et de B.D. Je crois que c'est ça que le Net peut donner. Il peut donner quelque chose qui est mobile, qui n'a pas la solennité du livre, qui permet des expériences, qui permet des croquis, de mettre des oeuvres en chantier, de dialoguer avec le lecteur. Voila pour moi les points les plus forts.

< Page précédente - Page suivante >


©1999-2000,
Logo Penndragon et Logo Alkemya