Suite de l'interview...
Ta réflexion, Daniel ?
D. B. : Ce que l'on écrit n'a pas d'importance, ce qu'ils veulent, c'est un dessin. Pour certains, c'est évident. L'auteur est là, on va le voir avec son bouquin, on a aimé, pas aimé, on a même trouvé que c'était de la merde, mais le gars est là, il va faire un dessin. Deux dessins de mecs qu'on aime pas on va pouvoir les échanger contre un dessin d'un gars qu'on aime bien... C'est quoi, ça ressemble à quoi ?
Je ne sais pas si je vais vous demander de me dédicacer l'album ! (rires)
F. D. : Je vais te le dédicacer, je vais te dire pourquoi. Parce que les gens ont oublié ce que c'était qu'une dédicace. Une dédicace, pour moi c'est rencontrer un lecteur et pour le lecteur, c'est me rencontrer. Mais quand un mec vient me voir, qu'il dépose le livre sur la table et me dit "Je repasse dans une heure", c'est quoi ?
Quelquefois, il y a des auteurs qui ont des piles de B.D. à dédicacer...
F. D. : Dans les librairies, il arrive que l'on signe deux cents bouquins pour que le mec les vende plus cher et puis, au revoir...
Oui, c'est un peu le principe de l'ex-libris que l'on commence à trouver...
F. D. : C'est de la folie douce, quoi. On nous colle trente ou quarante albums à dédicacer pour des gens qui ne sont pas là. Mais moi, je suis venu ! Ca m'est arrivé : un mec qui téléphone et qui dit : "Ils sont là, les deux ?". C'est vachement sympa le truc. "Ah, vous vous rendez-compte, j'ai fait quatre cents kilomètres pour venir vous voir". Oui, mais moi, j'en ai fait mille. Et on se fait engueler quand on part à huit heures du soir : "Ça fait tant de temps que je suis là". - " Oui, je vous entends bien...".
Les gens imaginent facilement que s'ils on a toute la collection, ils peuvent venir avec tous les bouquins en disant : "Je veux un dessin sur chacun". Et quand j'ai un plombier qui vient chez moi, je lui dis : "Tiens, tant que tu es là, tu ne veux pas me réparer mon chauffe-eau ?". Ça, c'est un truc fabuleux ! Dans les festivals, souvent je vais voir l'organisateur et je lui demande qu'est-ce que tu as comme budget ? Il est toujours prévu un budget pour l'imprimerie. On admet que l'imprimeur doit être payé. Mais quand je dis qu'il faut me payer, on me dit : "Ah bon ?". Mais oui, parce que les études de mes enfants, c'est le même prix que les études des enfants de l'imprimeur. Les gens ne comprennent pas.
Je crois que les gens comprennent rarement qu'un auteur a besoin de manger, de s'habiller...
D. B. : Dans leur esprit, ils ont acheté un album, donc ils considèrent que l'auteur leur doit quelque chose. Sur un album, on va toucher 2 francs chacun ! F. D. : Tu vas dans un festival, tu "fais" 100 bouquins, c'est beaucoup, 100 bouquins ! Hé bien ça fait 300 balles. Pour 300 balles, je préfère rester chez moi. S'il n'y a pas le petit plus, si c'est pour gratter... rencontrer les lecteurs, oui, mais si on ne les rencontre plus... Ce qui se passe à Drouot ou ailleurs n'est donc qu'une facette de toute cette spéculation qui commence avec les dessins et les dédicaces... F. D. : Les américains font payer pour entrer dans les festivals. Les gens sont tout étonnés. Mais ce sont eux qui mettent ça en place ! Les mecs qui viennent faire signer 10 albums... Je les rencontre 10 fois trois minutes. Ils pourraient rester une demi-heure, ça nous permettrait au moins de discuter... D'où vient cette dérive, ou ce déplacement de l'intérêt, je ne sais pas. Mais là-dedans il y a des bons, et on les jette ! Les organisateurs de festivals ne sont pas très futés quand ils ne pensent qu'à faire du pognon. Souvent je leur dis : "Mais pourquoi veux-tu que je vienne ?". C'est bête comme question. Le mec ne sait pas répondre. | ![]() Daniel Bardet est très fort : il nous cache son briquet. Saurez-vous le retrouver ? (il n'y a rien à gagner) |
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