INDONÉSIE : notre dossier spécial

INTRODUCTION
À l'invitation du ministère du tourisme de la République d'Indonésie, un beau et intéressant voyage de découverte s'annonçait...
Mais qu'est-ce que l'Indonésie évoquait pour moi ?
Hier ? Aujourd'hui ?
Et quels souvenirs de l'Indonésie avais-je de mes lectures ou écoutes musicales passées ?
Java, une danse ? Java, une île ? Java, un hominidé ? Le javanais, un langage ? De ces interrogations, un travail de mémoire s'imposait.

Coté musical, à part La Javanaise de Serge Gainsbourg (1963) *, rien ne remontait de mes souvenirs.
La Java, en tant que danse, ne fut, quant à elle, qu'une invention française dans les années 1925, imaginée par des parisiens.
Mais comme chacun sait, "Quand le jazz est là, La java s'en, La java s'en va ("Le Jazz et la Java", chanson de Claude Nougaro parue en 1962).

Avais-je alors des souvenirs de voyages de quelques héros de papier ?
Tintin, ce journaliste grand voyageur, avait-il marqué son passage ?
Bien sûr !
Dans l'album Vol 714 pour Sydney, paru en 1968 - l'année de ma naissance -, Hergé fait faire escale à son héros à l'aéroport historique Kemajoran (Kemayoran ** et ***) de Jakarta.
Voilà sans doute le premier lien que j'étais capable de retrouver.
Dans cet album, un Boeing 707 de la compagnie Qantas - vol 714 - en provenance de Londres vient d'atterrir à l'aéroport de "Djakarta" ** dans l'île de Java, pour sa dernière escale avant Sydney.
Un homme à la barbe épaisse coiffé d'une casquette de marin surgit de l'avion en s'exclamant : "Mais c'est Djakarta, mille milliards de mille milliards de mille sabords !" Derrière lui, caché jusqu'à la vignette suivante, le professeur tournesol répond : "Chandernagor ? Vous voulez rire !"
C'est sur un désopilant dialogue de sourds qui se déroule en quatre cases que s'ouvre la trépidente aventure de Vol 714 pour Sydney.
Puis, en bas de la page 9, la tour de contrôle de l'aéroport Kemajoran, carrée, dont on ne voit que le sommet, donne l'autorisation de départ du vol de l'avion à géométrie variable, le Carreidas 160, du milliardaire Laszlo Carreidas...

Après Tintin, avais-je d'autres souvenirs de héros partis à la découverte de l'Indonésie ?
Un s'imposait rapidement : il s'agissait de Bob Morane, l'aventurier - roi de la terre - créé par Henri Vernes en 1953, et chanté plus tard par le groupe français Indochine (1982).
D'ailleurs, le premier roman, La vallée infernale, ne se passait-il pas dans ce secteur là ? Presque...
À une encablure près, aurait pu dire la capitaine Haddock !
L'histoire se déroule en Papousie-Nouvelle-Guinée. Il y a une frontière commune avec l'Indonésie, certes, puisque l'île de Nouvelle-Guinée est partagée en deux. La moitié orientale est territoire de Papousie-Nouvelle-Guinée. L'autre moitié, la Nouvelle-Guinée occidentale, est elle sous souveraineté indonésienne.
J'étais pourtant certain que Bob Morane avait trainé ses savates sur ce territoire.
C'est avec Le Sultan de Jarawak **** (paru en 1955) et l'Orchidée noire ***** (1958) que je retrouvais mes marques.

Qui d'autre encore avait encore marqué ma mémoire ?
Arthur Rimbaud, pardi ! Le poète (20 octobre 1854 - 10 novembre 1891), auteur de Le Dormeur du val (écrit en 1870), avait voyagé en Indonésie. Rimbaud arriva en effet à Batavia ****** (ancien nom de Jakarta, la capitale) le 23 juillet 1876.
Il s'était engagé peu de temps avant pour six ans dans l'armée coloniale néerlandaise ! Son motif ? Probablement la solde promise pour tout engagé : 300 florins. Une petite fortune à l'époque...
Après un voyage par mer, il avait accosté avec d'autres engagés à Semarang, l'ancienne capitale de la Compagnie des Indes hollandaises. Puis, de là, ils se sont rendus à la gare de Tuntang ("Toentang" dans sa graphie néerlandaise) pour rejoindre - le 2 août - la caserne de Salatiga, une ville située à 47 km au sud de Semarang, et environ 100 km au nord de la ville royale de Yogyakarta.
Mais le 15 août, il déserte. On ne retrouve sa trace que quatre mois et demi plus tard, le 31 décembre 1876, où il réapparaît chez sa mère, à Charleville-Mézières, sa ville natale.
De son séjour sur l'île de Java, Rimbaud ne nous dit rien. Ce qui laisse la place à tous les possibles, tous les imaginaires...

Voilà. C'était tout.
Aucun autre écrivain n'avait laissé de traces dans ma mémoire. Aucun sculpteur ou peintre illustre, non plus, ne me vint à l'esprit.
Gauguin, c'était plutôt Tahiti et les Marquises (chantées par Jacques Brel)...
Quant au peintre indonésien Raden Saleh, ce n'est pas à lui que l'on pouvait penser spontanément.
De ce travail de mémoire et de souvenirs, le mieux était finalement de partir à la découverte de ce pays fascinant, aux multiples facettes...
Avec ses trois fuseaux horaires, ses 17000 à 18000 îles, ses 300 langues ou dialectes parlés, son histoire traçable depuis pithécanthrope, le fameux Homme de Java, l'Indonésie intriguait.
Il était temps de partir à la découverte de tous ces trésors...
Et de faire un beau voyage, tel Ulysse, afin d'en revenir heureux, comme l'écrivit Joachim Du Bellay...
                           

Laurent Ryder


                           
Notre dossier spécial INDONÉSIE accessible par modules :
- Introduction
- Les monuments et les musées de l'île de Java
- Les monuments et les musées de l'île de Bali
- À voir / à faire - trucs et astuces pour voyager
- Lexique/vocabulaire

Vue de la ville de Semarang (novembre 2019)

© Laurent Ryder


Usine de fabrication de cigarettes à Semarang (novembre 2019)

© Laurent Ryder


Malioboro Street, à Yogyakarta (novembre 2019) - © Laurent Ryder






* Serge Gainsbourg utilisat l'argot connu sous le terme de "javanais" pour écrire sa chanson ce qui explique le choix du titre. Le javanais - en tant qu'argot - parfois (mais rarement) appelé langue de feu, est apparu en France dans la dernière moitié du XIXè siècle. Il s'agit d'un système de cryptage argotique utilisant une phonologie constituée par l'insertion d'une syllabe supplémentaire entre voyelles et consonnes, dans le but de rendre incompréhensible un message à une personne non informée du procédé. Cette syllabe comporte un son lié au nom de la variante : ja ou av dans la variante dite "javanaise" et une syllabe comportant un f dans la variante dite langue de feu.
Exemple de codage en argot javanais : bonjour je vais bien ! ===> bavonjavour jave vavais bavien !

** Depuis la réforme de l'orthographe en indonésie en 1972 /dʒ/: dj devient j et /j/: j devient y.
L'album de Tintin est paru 4 ans avant la réforme orthographique.

*** C'est sur l'emplacement actuel de l'avenue Benyamin Suaeb, à Jakarta, que se trouvait jadis la piste d'atterrissage principale de l'ancien aéroport Kemayoran, connu alors comme la plus grande plaque tournante de l'Asie-Pacifique, notamment comme point de transit sur la route de Sydney, et ce, avant la construction du nouvel aéroport international Soekarno-Hatta (1985), également appelé Cengkareng par les indonésiens.
Sultan de Jarawak - collection de l'auteur **** Le Sultan de Jarawak (1955) :
Pour une mystérieuse perle rose ardemment désirée par une femme qui se laisse mourir, Bob Morane quitte Paris pour affronter le Sultan de Jarawak, despote sans pitié, et les périls de la jungle d'Indonésie. Jarawak, bien évidemment, n'existe pas, pas plus que le Sultan Timour Bulloc...
Ce que Henri Vernes raconte de l'imaginaire Jarawak (page 19) :
"C'était une toute petite terre, d'une vingtaine de kilomètres de long sur autant de large, située (...) au nord de Timor, sur la route des Moluques. Dans une encyclopédie géographique, Morane trouva les renseignements suivants : "Jarawak : petite île de Malaisie, gouvernée par un sultan autonome. Capitale Bandar, 5.000 habitants. L'île est peuplée de Malais, pour la plupart mahomêtans ou fétichistes. Champs et pêcheries d'huîtres perlières".
Malaisie, Indonésie, Henri Vernes se mélange un peu les pinceaux dans ses desciptifs : ce n'est pas la même chose et encore moins le même pays !
Henri Vernes poursuit (page 20) : "La route à suivre pour atteindre Jarawak était simple. Il fallait prendre l'avion pour Singapour puis, de là, gagner Djakarta et Kupang, la capitale de Timor. Une fois là, Bob trouverait bien un rafiot quelconque qui le mènerait à Bandar (...)"
C'est en page 42 qu'est indiquée la durée du voyage en bateau... Pour ceux qui aiment les voyages... imaginaires !

À gauche : Première édition de "Le Sultan de Jarawak" - collection privée de l'auteur.


***** L'Orchidée noire (1958) :
Un riche anglais, Lord Celadon, offre 100000 livres sterling à qui lui rapportera la quasi légendaire Orchidée noire de Bornéo. Parmi les concurrents, un dangereux criminel, une jeune fille... et Bob Morane ! À travers les forêts inexplorées, parmi les Dayaks coupeurs de têtes, l'aventure prend vite un tour tragique et Bob Morane aura de bien étranges adversaires à vaincre, tels les dieux-crocodiles et les arbres démons...

****** Ville fondée par la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie ou Compagnie néerlandaise des Indes orientales) sur les ruines de la ville de Jayakarta.

Publié le jeudi 28 novembre 2019 à 18h51.
Modifié le jeudi 28 novembre 2019 à 18h51.


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